masquées : on sait par exemple que l’oncle Mamadou travaille comme chef comptable dans un établissement français et que Laye a fréquenté l’école française à Kouroussa puis à Conakry, mais les colons eux-mêmes sont complètement absents du roman.
L’authenticité
C’est une des difficultés de toute autobiographie. Pour capter la bienveillance du lecteur ou pour bien d’autres raisons, l’auteur peut être amené à donner une image trompeuse de lui-même et de sa communauté. Lorsque Camara écrit son premier roman, il est âgé de vingt-cinq ans, et il étudie et travaille depuis plusieurs années en France. On peut émettre l’hypothèse que la nostalgie de la haute Guinée a encouragé une vision idéalisée de son enfance, ôtant un peu de son authenticité au récit.
La mémoire
Il y a un décalage temporel entre le « je » présent, celui de l’auteur et du narrateur, et le « je » passé, celui du personnage du roman, de l’enfant. Deux problèmes peuvent alors se poser :
d’une part, l’auteur peut ne pas se souvenir de certains évènements ;
d’autre part, il peut se rappeler des épisodes auxquels, devenu adulte, il ne sait pas s’il doit accorder crédit. Ainsi, lorsque l’auteur se souvient des mystérieux pouvoirs de sa mère, il écrit les mots suivants :
J’hésite un peu à dire quels étaient ces pouvoirs et je ne veux même pas les décrire tous : je sais qu’on en accueillera le récit avec scepticisme. Moi-même, quand il m’arrive aujourd’hui de me les remémorer, je ne sais plus trop comment je dois les accueillir : ils me paraissent incroyables ; ils sont incroyables ! Pourtant il suffit de me rappeler ce que j’ai vu, ce que mes yeux ont vu. Puis-je récuser le témoignage de mes yeux ? (p. 73)
FONCTIONS DE L’AUTOBIOGRAPHIE